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La pression économique, un facteur majeur dans l’évolution des médias et de la presse

Depuis quelques semaines, plusieurs événements viennent bousculer le paysage médiatique et poussent à s’interroger sur l’avenir de la presse. Entre perte de liberté et de pluralisme, un facteur devient central dans cette évolution : la pression économique.


Longtemps évoquée en toile de fond, cette contrainte fi nancière s’impose aujourd’hui comme un élément déterminant, voire structurant, du fonctionnement et de la survie des médias. Face à de nouveaux défi s liés en partie à la transition numérique accélérée et à la fragmentation des audiences, les rédactions doivent faire des choix, parfois au détriment de leur indépendance.


Ce contexte économique tendu fait émerger une question fondamentale : Comment préserver une presse libre, pluraliste et de qualité, alors même que ses fondements économiques vacillent ?


Tout d’abord, la réforme des médias de proximité, portée par Jacqueline Galant, a provoqué une vive réaction de la part des acteurs concernés. Une opposition légitime, dans la mesure où la force de ces médias réside précisément dans leur ancrage local. Les regrouper risquerait d’affaiblir cette proximité.


Toutefois, après plusieurs échanges entre les représentants des 12 médias, le cabinet et la ministre, certaines pistes de compromis ont émergé. Parmi celles-ci, la possibilité de rapprochements entre médias d’une même province semble faire son chemin. Mais la plupart des médias restent opposés à des fusions pures et simples, ce qui semblait le plan initial de la réforme.


Plus récemment, Jean-Luc Crucke, ministre fédéral du Climat, de l’Environnement et de la Mobilité (Les Engagés), s’est exprimé sur la chaîne Notélé (Wallonie picarde). Il y a clairement affirmé : « Ce qui m’importe dans ce dossier, c’est Notélé. Et je l’ai dit à la ministre : on ne touchera pas à Notélé. » Il a également proposé une approche différente, en suggérant la mise en place d’un médiateur proche du terrain et des réalités des médias concernés.


Un dossier encore en évolution… À suivre de près.
Par ailleurs, la question de la liberté de la presse, tant en Belgique qu’à l’échelle mondiale, suscite de sérieuses inquiétudes. Le dernier rapport de Reporters Sans Frontières (RSF) tire la sonnette d’alarme. À travers son classement annuel, l’organisation met en lumière un facteur souvent sous-estimé mais de plus en
plus déterminant dans la régression des libertés journalistiques : la pression économique.


Dans les pays soumis à des régimes autoritaires ou en situation de conflit, les entraves à la liberté de la presse sont bien visibles. Mais ailleurs, y compris dans les démocraties, c’est l’asphyxie fi nancière qui menace l’indépendance des médias. Comme le souligne Anne Bocandé, directrice éditoriale de RSF :
« Garantir un espace médiatique pluraliste, libre et indépendant nécessite des conditions fi nancières stables et transparentes. Sans indépendance économique, pas de presse libre. Quand les médias d’information sont fragilisés dans leur économie, ils sont aspirés par la course à l’audience, au prix de la qualité, et peuvent devenir la proie des oligarques ou de décideurs publics qui les instrumentalisent. »


La Belgique, de son côté, perd deux places dans le classement et se retrouve désormais 18e. Un recul qui, bien que modeste en apparence, rappelle que la situation reste fragile. Être bien classé ne signifie pas que la liberté de la presse est acquise une fois pour toutes. Au contraire, cela exige une vigilance constante et des garanties concrètes, tant sur le plan politique qu’économique, pour préserver une information libre, indépendante et de qualité.

Cette pression économique s’est bien illustrée dans la dernière nouvelle qui a eu l’effet d’une bombe : le groupe IPM et Rossel annoncent leur fusion. Ce séisme médiatique soulève une question essentielle, celle du pluralisme de la presse, en particulier dans le secteur de la presse écrite. Si les enjeux salariaux ne doivent pas être ignorés, c’est surtout la perspective d’une fusion des rédactions et d’une perte d’indépendance éditoriale qui inquiète.


Une fois encore, la justification avancée est d’ordre économique. François le Hodey, CEO du groupe IPM, affirme que nous assistons à la fin de l’ère de la presse imprimée, progressivement supplantée par le numérique. Selon lui, pour survivre, les médias doivent s’adapter rapidement à cette mutation. Il insiste également sur un autre point sensible : une presse largement financée par des fonds publics risquerait, selon lui, de perdre sa liberté.
Cette déclaration soulève pourtant un paradoxe. Car si l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics est indispensable, celle vis-à-vis de grands groupes privés l’est tout autant. Or, une concentration accrue dans les mains de quelques acteurs majeurs, sans garde-fous solides, peut tout autant nuire à la diversité des opinions, à la rigueur journalistique, et à la mission d’information impartiale que la presse est censée remplir.

La question centrale reste donc : Comment garantir une presse à la fois économiquement viable et véritablement indépendante ? Ce débat, crucial pour la démocratie, ne fait que commencer.


Natéo CARNOT
Délégué Culture & sport

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