La question posée récemment au Parlement wallon par le député libéral Chris Massaki l’a rappelé : la frontière entre information et influence n’a jamais été aussi floue. Sur Instagram, TikTok ou YouTube, des créateurs se présentent comme des “médias”, façonnent l’opinion de milliers de jeunes… sans les exigences qui encadrent le journalisme.
Qu’ils donnent leur avis ne pose aucun problème. La liberté d’expression protège l’opinion, la satire, le commentaire politique. Mais lorsque certains acteurs affirment “informer” tout en diffusant des contenus partisans, émotionnels ou accusatoires, sans contexte ni vérification, un malaise s’installe : comment distinguer l’argument du simple buzz ?
Ce brouillage n’est pas une spécificité belge.
En Espagne, au Brésil, aux États-Unis, des créateurs d’audience massive se sont substitués aux médias traditionnels, transformant la colère en carburant et l’indignation en modèle économique. Dans ces pays, la polarisation a prospéré précisément parce que l’émotion circule plus vite que la preuve. Nous ne sommes pas à l’abri des mêmes dérives : nos algorithmes sont identiques, nos jeunes tout aussi connectés.
Le risque n’est pas théorique. Lorsque des pages se disant “informateurs” caricaturent des partis entiers, collent des accusations lourdes à des responsables politiques, ou transforment chaque débat en affrontement moral, elles n’éclairent pas le débat démocratique : elles l’enferment dans des réflexes binaires.
Que faire, alors, sans restreindre la liberté d’expression ?
La réponse libérale n’est ni la censure, ni le contrôle. Elle est dans la transparence et la responsabilité.
Plutôt que d’imposer des contraintes, encourageons des outils simples et accessibles :
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des labels volontaires (“opinion”, “satire”, “vulgarisation”, “information vérifiée”) pour que l’internaute sache ce qu’il regarde ;
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une charte commune, librement adoptée, sur la transparence des financements, des partenariats et des éventuels liens politiques ;
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et la création d’un médiateur numérique indépendant, non pas pour sanctionner, mais pour permettre aux citoyens de signaler des manipulations manifestes et obtenir un droit de réponse rapide.
L’objectif n’est pas de limiter la créativité de qui que ce soit. Au contraire : plus l’espace est libre, plus il doit être lisible. Les médias traditionnels répondent déjà à ces principes ; il n’est pas illogique de proposer, à ceux qui revendiquent un rôle similaire, une même culture de responsabilité.
Nos démocraties ont besoin de critique, de débats vifs et de contradictions. Elles n’ont pas besoin d’une confusion permanente entre vérité, opinion et émotion.
Ce n’est pas un combat contre l’influence : c’est un combat pour la clarté.
Parce qu’à l’ère du flux permanent, celui qui éclaire reste plus précieux que celui qui s’indigne.
