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L’avènement de la voiture électrique: pour un meilleur avenir environnemental ? Seul l’avenir nous le dira!

La voiture électrique est aujourd’hui présentée comme la solution miracle pour l’environnement. A première vue, il est vrai qu’elle a le mérite d’instaurer un mouvement de prise de conscience populaire clamant la nécessité de changer notre rapport au déplacement. Toutefois, on peut se demander si l’électrification des parcs automobiles est la seule solution possible pour atteindre les objectifs climatiques prévus et à quel coût ce changement aura lieu.

  1. L’électrification automobile : solution idéale pour la décarbonation ?

Dans le but d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’Europe a adopté un « green deal » (pacte vert) dont la majeure partie des mesures-cibles concernent la mobilité, celle-ci étant responsable d’environ 15% des émissions de gaz à effet de serre. Fin octobre 2022, les eurodéputés ont entériné leur volonté d’électrifier le réseau automobile Européen : la vente de véhicules neufs sera interdite d’ici 2035. D’après les eurodéputés, cette date butoir laisse suffisamment de marge de manœuvre aux constructeurs automobiles pour atteindre des objectifs réalisables, c’est ce qu’a plus particulièrement souligné Jozef Sikela, ministre tchèque de l’industrie et du commerce.

Toutefois, tel n’est pas l’avis de Carlos Tavares (CEO de Stellantis – groupe automobile comprenant le Groupe PSA (PSA) et Fiat Chrysler Automobiles (FCA)). D’après lui, il existe d’autres moyens, même plus efficaces et moins onéreux que l’électrification pour décarboner le secteur automobile, pensons à l’hydrogène par exemple ou aux e-carburants.

Patrick Hendrick, ingénieur et professeur à l’école polytechnique de Bruxelles semble du même avis. Pour lui, même si l’électrification n’est pas une mauvaise idée per se, la volonté politique met un peu la charrue avant les bœufs car l’électrification du parc automobile Belge nécessite la prise en compte d’éléments sous-jacents comme la fabrication des batteries, la disponibilité des bornes de recharge, la création de places de parking adaptées… en somme il faut repenser tout notre fonctionnement socio-économique ainsi que les habitudes des belges. La volonté politique n’a-t-elle donc pas engendré un changement prématuré ?

A titre de réponse préliminaire, la Belgique peut être qualifiée d’anticipative concernant le problème de la fabrication des batteries. Si naguère nos fournisseurs de batteries étaient situés outremer, ce temps sera bientôt révolu. Suite à un accord avec la filiale belge de l’entreprise ABEE, une gigantesque usine productrice de batteries électriques va être construite à Seneffe (Wallonie). Il s’agit là d’un avancée majeure initiant les prémisses de notre indépendance électrique. Cerise sur le gâteau, la technologie élaborée par ABEE n’utilise ni cobalt ni nickel ce qui rendra nos batteries initialement moins polluantes et plus aisément recyclables. Il s’agit là d’une splendide occasion de relocaliser la production au sein de nos régions.

D’un autre côté, une étude menée par l’université Impériale de Kyushu au Japon affirme, chiffres à l’appui que faire sortir des de manière anticipée des véhicules thermiques encore en état de fonctionnement de la circulation crée aussi un coût environnemental non-suffisamment pris en compte. D’après cette étude, si les voitures produites entre 1990 et 2016 restent en circulation 10% plus longtemps l’empreinte carbone serait réduite de 30.7 millions de tonnes. In fine, on en déduit que la production de nouvelles voitures électriques en grande quantité pollue beaucoup plus que le maintien en circulation des véhicules thermiques. Quoi qu’il en soit,  même si l’électrification est quelque part un peu forcée par les idéologies et la volonté politique, sans action  aucun changement n’aurait lieu et par conséquent aucune possible amélioration ne verrait le jour.

2. L’avantage fiscal auto en pleine mutation.

Pour en venir in concreto au cas belge, l’ambition est de verdir la quasi-totalité du parc automobile d’ici la prochaine décennie en commençant par les voitures de société qui représentent une part non négligeable des voitures immatriculées en Belgique. L’idée générale consiste a progressivement faire disparaitre les avantages (principalement fiscaux) liés à la voiture thermique (essence/diesel) afin de permettre à sa successeur, la voiture électrique de prendre le relais !

A l’heure actuelle, les voitures thermiques de société bénéficient encore d’une possibilité de déduction calculée en fonction de leur émission de CO2 et de leur valeur catalogue. Toutefois, l’heure du changement a sonné et  cette déduction fiscale est amenée à être appliquée uniquement aux voitures électriques d’ici 2026. Mais la réforme ne s’arrête pas là ! Alors même que la voiture électrique n’est pas encore démocratisée et accessible à tous, son prix médian étant bien étant encore bien supérieur à celui d’une voiture thermique, il est prévu que sa déductibilité fiscale fasse l’objet d’une décroissance progressive à partir de 2026 :

Reste donc à savoir si cette diminution de la déduction est en accord avec l’évolution sociétale ? En effet, il peut paraitre prématuré de déjà prévoir une diminution de cette réduction alors même que le véhicule électrique n’est pas encore implémenté de manière suffisante au sein des ménages belges et pour cause même si la voiture électrique se démocratise au niveau du marché du leasing , ce n’est pas le cas concernant l’offre aux particuliers. La crise russo-ukrainienne ayant même au contraire entrainé une augmentation des prix.

Qui plus est, cette déduction ne s’adresse qu’aux entreprises et aux indépendants, mais qu’en est-il pour les particuliers ? Si ceux-ci se voient dans l’obligation d’opter peu à peu pour l’électrique ne devraient-ils pas bénéficier d’aides ou de primes pour les accompagner dans cette transition ?

3. Réduction d’impôt pour l’installation d’une borne de recharge.

A l’heure actuelle, la seule mesure permettant d’aider les particuliers est une réduction d’impôt destinée à l’installation d’une borne de recharge à domicile. Plus précisément, il est prévu que l’installation d’une borne de recharge à domicile permet de bénéficier d’une réduction d’impôt si son installation à lieu entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2024 inclus.  Ladite réduction d’impôt varie de 45 à 15% des dépenses supportées en fonction du moment de son installation, calculée sur un plafond maximum de 1500 euros.

Pour bénéficier de cette réduction, certaines conditions doivent être respectées :

  •  Il faut que les dépenses aient été faites pour l’achat à l’état neuf d’une borne de recharge, son installation et le contrôle de l’installation.
  •  Ensuite, la borne doit :
  • être installée dans ou à proximité immédiat de votre domicile, et
  • être une borne intelligente : le temps de charge et la capacité de charge doivent pouvoir être transmis par un système de gestion énergétique, et
  • n’utiliser que de l’électricité verte, et
  • être approuvée par un organisme de contrôle agréé.

Malgré cette aide octroyée au particuliers, ceux-ci restent désavantagés par rapport aux entreprises et aux indépendants qui bénéficient de cette réduction à un taux beaucoup plus élevé. En effet, ils peuvent déduire 200% des dépenses liées à l’installation d’une borne de recharge électrique jusqu’au 31/12/2022 et 150% après cette date.

En parallèle de cela,  il est prévu que plus de 50.000 bornes de recharge soient installées en Belgique d’ici 2026, ce qui pourrait potentiellement combler la demande de chargement avec la complémentarité des bornes à domicile. Toutefois cela amène à certaines questions :  que va-t-on faire des pompes à essences qui deviendront désuètes ? Elles vont probablement disparaitre peu à peu mais si tel est le cas et que leur nombre se réduit à zéro, que fera l’automobiliste utilisant encore une voiture thermique ?

4. Coût inégal de l’électrification au sein du Royaume.

Fait également paradoxal et propre à la Belgique et ses régions, le coût de la transition électrique ne sera pas pareil pour tous les habitants du royaume ! En Wallonie, Philippe Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, des Infrastructures et de la Mobilité compétent pour ce qui concerne la Taxe de mise en circulation ainsi que la taxe annuelle de circulation (dites TMC & TC) souhaite mettre en place un régime comprenant une graduation de la déductibilité fiscale au sein même de la catégorie des véhicules électriques.

En pratique, au plus votre véhicule électrique sera lourd, au plus vous payerez de taxes. Par conséquent ce régime aurait pour effet que certains véhicules thermiques subiraient moins de taxes routières qu’un véhicule électrique. L’idée envisagée parait donc contre-productive et contraire aux objectifs européens. Elle n’est également pas en accord avec les évolutions du secteur automobile. En effet,  à l’heure actuelle il reste plus intéressant d’acheter un véhicule électrique d’une gamme supérieure et donc forcément plus lourd afin d’avoir un meilleur rendement qualité/prix, ce qui serait désavantageux si ledit projet de taxation voyait le jour. Fort heureusement, ce projet fortement critiquable semble peu à peu tomber aux oubliettes.

Enfin, nous ne sommes pas encore en mesure de déterminer si le pari de l’électrification aura les effets escomptés en terme d’objectifs environnementaux, seul l’avenir nous le dira ! Toutefois, à titre indicatif, voici un tableau reprenant les avantages et inconvénients actuels de la voiture électrique :

AvantagesInconvénients
Coûts de consommation et d’entretien plus faiblesCoût d’achat élevé
 Pas de polluants de l’air et pas d’émission de CO2 à l’utilisation  Coût environnemental lié à la production des batteries et à leur recyclage,
Durée de vie plus longueManque d’autonomie
Taux de pénétration des bornes de recharge en plein boom en BelgiqueTemps de recharge et disponibilité des bornes dans certaines zones

A titre de conclusion, même si certains chercheurs et constructeurs automobiles conseillent de ralentir la cadence concernant l’électrification, une partie d’entre eux estimant que d’autres solutions pourraient être envisagées pour garantir la décarbonation et le respect des objectifs climatiques, la voie politique semble en décider autrement et adopte des mesures fiscales favorisant l’accélération du passage au véhicule électrique. Il importera donc à l’avenir d’évaluer si ces décisions auront eu l’effet escompté ou si le changement était prématuré.

Emilie Fabry, Déléguée Emploi, entrepreneuriat, économie & fiscalité.


Sources

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