L’acquisition d’un bien immobilier est souvent perçue comme une étape essentielle dans la vie de nombreux citoyens. En Wallonie, cet acte est devenu de plus en plus difficile, en particulier pour les jeunes adultes désireux de devenir propriétaires. Actuellement, les acheteurs sont confrontés à un droit d’enregistrement élevé de 12,5 %, une taxe appliquée lors de l’achat d’un bien immobilier. Ce taux, jugé excessif par beaucoup, représente une barrière pour les jeunes souhaitant investir dans leur premier logement. C’est dans ce contexte que le gouvernement wallon a décidé de procéder à une réforme profonde de la fiscalité immobilière.
En effet, le 12 septembre 2024, le gouvernement wallon a adopté en première lecture une mesure clé visant à réduire les droits d’enregistrement pour l’acquisition d’une habitation propre et unique à seulement 3 %, contre 12,5 % actuellement. Cette réforme, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2025, est saluée comme une bouffée d’air frais pour la classe moyenne et, plus particulièrement, pour les jeunes adultes. Le Ministre-Président Adrien Dolimont a souligné que cette initiative permettrait de restituer aux citoyens plus de 700 millions d’euros cumulés durant la législature.
L’objectif affiché est clair : faciliter l’accès à la propriété pour un maximum de citoyens, en particulier les jeunes, souvent en difficulté face à la montée des prix de l’immobilier. Cette mesure fait écho à la tradition belge bien ancrée d’« avoir une brique dans le ventre », une expression qui illustre l’importance culturelle de la propriété immobilière en Belgique. Devenir propriétaire, c’est non seulement garantir une certaine sécurité financière à long terme, mais aussi se prémunir contre les risques de précarité, notamment à l’âge de la retraite.
Cette réforme ne se limite pas seulement à une baisse des droits d’enregistrement. Elle introduit également une flexibilité pour les familles dont la situation évolue. Par exemple, un propriétaire qui acquiert un nouveau bien immobilier pourra bénéficier du taux réduit de 3 % à condition de vendre son ancienne propriété dans les trois ans suivant l’acquisition du nouveau bien. Cette disposition permet de prendre en compte les changements dans la composition familiale ou professionnelle, tout en encourageant le renouvellement du parc immobilier.
En contrepartie, le gouvernement a décidé de supprimer plusieurs régimes fiscaux qui coexistaient jusqu’à présent, jugés inefficaces ou inéquitables. Parmi ceux-ci :
L’abattement pour primo-acquérant** : Une réduction des droits jusqu’à 5.000 euros, considérée comme insuffisante.
- Le chèque-habitat** : Ce régime, qui mobilisait des fonds pour soutenir la possession plutôt que l’acquisition, était critiqué pour ne pas cibler le principal problème actuel, à savoir l’accès à la propriété.
- Le taux réduit pour habitation modeste** : Basé sur le revenu cadastral, ce critère était devenu inéquitable en raison du manque de mise à jour des valeurs cadastrales par l’administration fédérale.
Outre les droits d’enregistrement, un autre levier fiscal majeur concerne la TVA sur les travaux de construction. Actuellement fixée à 21%, la TVA applicable aux travaux de construction de nouvelles habitations reste un obstacle de taille pour les jeunes acheteurs. Le gouvernement fédéral a déjà introduit une réduction temporaire à 6% pour la démolition et reconstruction de logements dans certaines conditions, offrant ainsi un incitant important à la construction de nouveaux logements sur le territoire belge.
Cette mesure a également un impact écologique positif, car elle favorise le renouvellement du parc immobilier résidentiel, souvent énergétiquement obsolète. En effet, la reconstruction permet d’ériger des bâtiments neufs qui respectent les normes énergétiques modernes, un facteur crucial dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Un autre débat fiscal en cours en Belgique concerne la TVA applicable aux nouvelles constructions et aux rénovations. Le projet de la coalition Arizona propose d’uniformiser les taux réduits de TVA à un seul taux de 9 %, remplaçant ainsi les taux actuels de 6% et 12%. Cette réforme vise à rendre la fiscalité plus simple et plus transparente, tout en stimulant la construction de logements neufs.
Toutefois, cette proposition soulève des questions complexes. La TVA réduite ne peut pas être appliquée à toutes les opérations de construction, car elle est régie par la directive européenne de 2006, qui encadre strictement les taux applicables. Par exemple, la construction de logements neufs, hors logements sociaux, n’est actuellement pas éligible à une TVA réduite. Si un taux unique de 9 % devait être adopté, il ne s’appliquerait donc pas à toutes les formes de construction, limitant ainsi son impact potentiel.
Pour les jeunes adultes, ces mesures représentent une opportunité unique de devenir propriétaires plus tôt et à moindre coût. Cela est d’autant plus crucial que les logements neufs sont souvent plus performants sur le plan énergétique, un critère de plus en plus important dans un contexte où les questions environnementales occupent une place centrale.
Si la construction de nouveaux logements est encouragée, certains experts soulignent toutefois que la durabilité d’un bâtiment ne se résume pas uniquement à sa performance énergétique. La construction d’une maison neuve nécessite en moyenne entre 200 et 400 tonnes de matériaux, soit environ 40 fois plus que la rénovation d’un bâtiment existant. De ce fait, favoriser la rénovation plutôt que la construction neuve pourrait être une solution plus vertueuse pour l’environnement.
Des organisations environnementales, comme Canopea, plaident pour une transition vers des modes de construction plus durables, intégrant des matériaux écologiques, locaux et modulaires. Elles encouragent également l’adoption de pratiques de construction qui permettent aux bâtiments d’évoluer dans le temps, réduisant ainsi l’impact environnemental global du secteur immobilier.
La réforme des droits d’enregistrement en Wallonie marque un tournant décisif pour l’accession à la propriété, en particulier pour les jeunes générations. En abaissant ces droits à 3 %, le gouvernement entend non seulement soutenir la classe moyenne, mais aussi redonner du dynamisme au marché immobilier. Toutefois, pour que cette réforme soit pleinement bénéfique, elle devra s’accompagner de mesures complémentaires en matière de fiscalité et de durabilité, afin de garantir un accès à la propriété à la fois équitable, abordable et respectueux de l’environnement.
Valentin VIGNERON
Délégué logement