Qui l’eût cru ? Donald Trump a été réélu président des États-Unis face à Kamala Harris en novembre 2024 après avoir été défait par Joe Biden quatre ans plus tôt, une première depuis Grover Cleveland à la fin du 19e siècle. Cette victoire survint malgré des démêlés judiciaires inédits visant un ancien président et deux tentatives d’assassinat.
Aujourd’hui plus que jamais, l’Europe appréhende ce que ce second mandat réserve à la relation transatlantique. Il faut dire que les premiers mois du mandat Trump furent marqués par une accentuation sans précédent de sa politique isolationniste et transactionnelle qui avait déjà dominé entre 2016 et 2020. Néanmoins, avant de s’alarmer sur la vision trumpiste des relations transatlantiques ces quatre prochaines années, il convient d’examiner le bilan mitigé de Joe Biden.
Entre espoirs et déceptions
Son arrivée au pouvoir avait suscité de grands espoirs en Europe : retour dans l’Accord de Paris et à l’OMS, promesse d’une diplomatie collaborative et d’une renaissance multilatérale. Pourtant, des échecs majeurs, comme l’incapacité à raviver l’accord nucléaire iranien malgré de nombreuses tentatives diplomatiques, ont vite refroidi l’enthousiasme européen. Trois événements illustrent particulièrement cette désillusion : les tensions commerciales persistantes, le retrait chaotique d’Afghanistan et l’accord AUKUS.
Si le président Biden a suspendu temporairement certains droits de douane contre l’Europe, un accord durable reste bloqué par les différends sur l’acier chinois, la paralysie de l’OMC et la politique commerciale agressive de la nouvelle administration américaine, marquée par un protectionnisme renouvelé.
Le retrait américain d’Afghanistan, décidé sans concertation préalable avec les alliés européens, a profondément ébranlé la confiance en leur partenaire historique. Cet épisode a mis en lumière une volonté bipartisane américaine de recentrer ses ressources militaires et diplomatiques vers l’Indopacifique, zone considérée comme stratégique dans la rivalité croissante avec la Chine.
Enfin, l’accord AUKUS, qui a privé la France d’un contrat majeur portant sur la fourniture de sous-marins nucléaires à l’Australie, a accentué les inquiétudes européennes sur leur place réelle dans les priorités américaines et soulevé de sérieuses questions sur l’avenir de la coordination transatlantique.
L’urgence d’un sursaut européen
Seule l’invasion russe de l’Ukraine en 2022 a temporairement rapproché les deux côtés de l’Atlantique, redonnant vigueur à l’OTAN (déclaré en état de « mort cérébrale » par le président Macron quelques mois plus tôt) et entraînant une solidarité occidentale inédite face à Moscou. L’Europe a ainsi accéléré sa diversification énergétique, privilégiant désormais le gaz naturel liquéfié (GNL) américain au gaz russe, tout en investissant massivement dans la défense commune et en renforçant ses capacités militaires. À cet égard, les développements annoncés suite au revirement américain dans le dossier russo-ukrainien seront à suivre de près.
Face au retour de Trump et son credo plus inébranlable que jamais du ‘America First’, l’Europe affronte désormais une réalité incontournable : le besoin urgent de renforcer son autonomie stratégique sur les plans économique, industriel, militaire et politique. La politique de l’administration américaine, que ce soit dans le domaine internationale avec le dossier russo-ukrainien, ou encore concernant les tarifs et les droits de douane, démontre que l’Europe n’est plus reconnue à sa juste valeur par son grand allié historique, et de nombreux acteurs internationaux.
Alors que nous pouvions nous interroger il y a quelques mois sur la portée réelle des quelques timides points d’amélioration dans la relation transatlantique observés durant la présidence Biden, malgré les nombreux revers observés, il apparait désormais clair que l’Europe n’est plus la priorité première des États-Unis. L’Europe se doit désormais de pleinement prendre son avenir en mains, si elle veut éviter d’endosser le rôle de figurant de l’Histoire, et au contraire se montrer capable de faire entendre sa voix avec force et crédibilité sur la scène mondiale.