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L’équité pour nos agriculteurs

Depuis la mi-janvier, les agriculteurs européens se sont soulevés, ils bloquent les routes, manifestent devant des organes gouvernementaux et s’en prennent à des entreprises symboliques de leur colère.

L’augmentation de la hausse de la taxe sur le gazole non routier qui a été le déclencheur de ce soulèvement en France n’est en rien une cause de ce mouvement. Tout comme les gilets jaunes s’étaient soulevés à la suite de l’annonce d’une taxe sur les carburants, ce sont des prétextes pour alerter sur un mal-être beaucoup plus profond d’une population précarisée.

Nous avons ouvert les frontières et construit un système d’échanges commerciaux sans précédent. Si cela a fait exploser la sacro-sainte industrie automobile allemande, cela a aussi coulé notre agriculture.

Avec la part croissante que représentent les denrées importées dans notre alimentation, que le produit importé soit directement vendu au consommateur ou qu’il soit transformé, on demande à nos agriculteurs d’être compétitifs avec le monde entier, tout en leur imposant des normes environnementales et sociales qui les en empêchent. Le producteur européen qui paye ses employés ne sera jamais compétitif avec le producteur ghanéen qui ne les paye pas, l’Européen qui s’assure de faire en sorte que son exploitation ne génère pas de déforestation ne sera jamais compétitif avec le Brésilien qui n’attend que la signature du traité de libre-échange avec le Mercosur pour brûler 700 000 hectares. Comment un éleveur porcin peut-il être en concurrence avec le Chinois qui produit 650 000 porcs dans un immeuble de 26 étages en centre-ville ?

Qu’on soit clair, tout le monde est conscient que ces normes sont nécessaires, mais en ne les faisant pas appliquer à ceux avec qui nous échangeons, nous montrons qu’aussi bien les valeurs qu’elles sont censées porter, que nos agriculteurs, peuvent être sacrifiés pour un discount.

Pendant ce temps, la PAC, qui devait permettre de maintenir notre agriculture à flot avec ces normes est mal répartie. 1.5% des exploitations touchent 30% des aides, qui vont principalement aux grandes exploitations, au détriment des petites et moyennes qu’elle devait soutenir. Certaines aides ne vont qu’aux grandes exploitations céréalières, indépendamment de ce qu’elles produisent et de la façon dont elles le produisent, même si elles ne produisent rien. Mais chaque demande s’accompagne d’une lourde charge administrative et d’un marasme bureaucratique. De plus, ces aides sont dérisoires. Certes la PAC représente un tiers du budget européen. Mais le budget européen est minable ; moins de trois pour cent du budget belge vont à l’UE. Un simple produit en croix nous montre donc que seulement 0.8% du budget belge sert à soutenir la politique agricole européenne.

Enfin, il est temps que le consommateur sorte de son confort et cesse de s’alimenter avec ce qui est facile d’accès et pas cher. Une bouteille de vin chilien à moins de 6€, ce n’est pas normal. Un litre de lait à 1€, ce n’est pas normal. Quelqu’un se fait avoir dans la chaîne de production et ce n’est sûrement pas les distributeurs.
L’alimentation coûte, c’est normal. Quand on travaille, on demande une rémunération décente pour le travail effectué, les agriculteurs demandent de même. Actuellement, ce prix que nous ne payons pas à la caisse est payé dans le sang ; s’il est dur de trouver des chiffres pour la Belgique où c’est encore un sujet tabou, un agriculteur se suicide en France tous les uns à deux jours.

À l’heure où nos voies commerciales peuvent être coupées à tout moment par les Russes ou les houris, nous ferions bien de ne pas oublier que l’alimentation est une part essentielle de notre autonomie stratégique, car comme le disait le youtubeur sur Le Champ : « N’importe quel idiot peut lever une armée…jusqu’à l’heure du dîner ! »

Louis-Suliac RUFFIER D’EPENOUX
Délégué Développement durable,
environnement, agriculture, bien-être animal,
ruralité, énergie & climat

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